Prosper Abessolo Mengue DG du Centre hospitalier régional d’Oyem : « Nous sommes en train de nous atteler pour résoudre les problèmes »

Jouractu : Bonjour M. le directeur général du Centre hospitalier régional d’Oyem (CHRO). A quoi est dû le mouvement d’humeur observé par certains de vos collaborateurs depuis quelques semaines ?

Le DG du Centre hospitalier régional d’Oyem, Prosper Abessolo Mengue.

Prosper Abessolo Mengue : Oui. C’est vrai qu’il y a un mouvement d’humeur au niveau du CHRO. Un mouvement d’humeur déclenché par un certain nombre d’agents. Il faut préciser que, ce mouvement de revendication n’est pas généralisé. C’est un collectif qui a estimé qu’il était nécessaire de chercher à résoudre un certain nombre de difficultés, dans le cadre du fonctionnement régulier de l’hôpital canadien d’Oyem.

Jouractu : Quels sont les principaux points de revendications de ce collectif ?

Je n’ai pas sous mes yeux le cahiers de charges déposé par ce collectif. A mon entendement, il y a un certain nombre de manquements que les agents grévistes ont retenu. D’abord, le fait du retard de paiement des primes de gardes et des quotes-part du personnel. Ils ont parlé ensuite de la disparition du bus de transport du personnel du CHRO. Ils également estimé qu’un appareil biochimie du laboratoire, qui avait été déposé pour réparation, n’a pas encore été délivré. Enfin, le collectif a fait état du manque d’équipements et de l’absence des médicaments. Voilà autant d’éléments qu’ils ont ressorti dans les manquements présentés.

Jouractu : Quelle suite donnez-vous à ces différents points de revendications ?

Les primes sont à mes yeux, le point focal des revendications du collectif. Malheureusement, j’aurais préféré que le personnel gréviste puisse orienter son mouvement vers les éléments liés au fonctionnement de l’hôpital. Mais, ils mettent en avant l’argent des primes. C’est vraiment dommage. Parce que, lorsqu’ils disent qu’on leur doit neuf mois d’arriérés de primes. Il faut d’abord expliquer aux uns et aux autres qu’en matière de quote-part et en matière de paiement par la CNAMGS (Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale), il ne s’agit pas de mois de non-paiement. Parce que la CNAMGS ne pas par mois. Lorsque la CNAMGS nous envoie de l’argent, elle ne nous dit pas que c’est pour tel mois ou c’est pour tant de mois. La CNAMGS envoie de l’argent, et nous redistribuons cette somme d’argent sans tenir compte du nombre de mois, parce qu’on ne connaît pas.

Jouractu : C’est justement cette façon de distribution de l’argent émanant de la CNAMGS qui est mise en doute par le collectif.

Lorsque je suis arrivé à la tête du CHRO, on me parlait d’arriérés de quatorze mois de primes. Aujourd’hui, on me parle de neuf mois. Il faut déjà comprendre que j’ai fait un effort. Parce que, quand on parle de quatorze mois, j’ai d’abord épongé ces quatorze mois. Alors que, je devais payer les mois de mon mandat. Or, j’ai d’abord payé les arriérés de mes prédécesseurs, s’il faut raisonner en termes de mois. Mais, en réalité, on ne devrait pas raisonner en termes de mois. La CNAMGS paie une somme d’argent globale, et nous la redistribuons quelque soit le mois.

Jouractu : Que voulez-vous dire exactement monsieur le directeur général ?

L’idée selon laquelle l’hôpital doit des arriérés de primes n’est pas tout à fait exacte. C’est la CNAMGS qui ne paie pas régulièrement. Tenez ! On est aujourd’hui en novembre, c’est-à-dire le onzième mois de l’année. La CNAMGS a déjà payé trois fois. Et là, on ne peut pas dire qu’il reste sept mois. Pendant ces trois versements de la CNAMGS, nous avons payé. Donc, le fait que le collectif dise qu’on doit des arriérés au personnel, est un peu fallacieux. Parce qu’ils le savent et on le leur a expliqué. Nous sommes en train de nous battre avec le directeur régional de santé nord, le directoire du CHRO avec les membres du collectif. Je rappelle que la CNAMGS avait appelé le CHRO pour dire que, nous venons de payer près de 80 millions. Mais, lorsqu’on arrive au Trésor public, on nous dit que nous n’avons pas encore une lisibilité dans nos machines, pour attester que cet argent est avec nous. Jusqu’à ce jour. Ça fait pratiquement un mois et demi que l’information nous a été transmise. Le trésor dit qu’il n’y a pas d’argent et les gens ont déjà l’information que la CNAMGS a déjà payé. On a été vérifié même jusqu’à Libreville. Cet argent n’a pas encore été payé. Qu’à cela ne tienne, nous sommes en train de voir dans quelle mesure le Trésor public et l’hôpital peuvent préfinancer une partie de ces primes, pour que lorsque la CNAMGS va payer, nous restituons cet argent au niveau du fonctionnement de l’hôpital. Parce que nous voulons apaiser les ardeurs des uns et des autres. On est à ce niveau. Lorsque vous aurez entendu que le CHRO est en train de payer des primes, comprenez aisément qu’il ne s’agit pas de l’argent de la CNAMGS. C’est un prélèvement que nous avons fait dans le fonctionnement de l’hôpital, pour « contenter » les gens qui se plaignent.

Jouractu : Qu’en est-il du bus de transport ?

Mesdames et messieurs, pendant que nous étions en train de recevoir le corps de notre collègue décédé, le bus de transport qui était en réparation, est arrivé. Il est déjà ici à l’hôpital. Il ne se pose plus de problème de vol ou de disparition du bus de transport. Je l’avais mis au garage à cause d’une panne. Après la réparation de cette panne, nous l’avons refait la tôlerie et peinture. Nous avons changé toute la pneumatique. Nous avions deux bus, l’autre est parti avec mon prédécesseur. Celui que nous avons n’est pas neuf. Nous essayons de le gérer autant que faire ce peu. Il est donc possible que ce bus tombe en panne. Pour le réparer, il faut de grosses dépenses. D’où le temps qu’il a mis au garage. Mais, les gens de mauvaise foi ont pensé que le bus avait été détourné.

Jouractu : Monsieur le directeur général, pourquoi le problème de médicaments se pose-t-il avec acuité à l’hôpital canadien d’Oyem ?

Il faut dire que la pharmacie de l’hôpital canadien n’existait pas quand je suis arrivé en 2019. C’est moi qui l’ai ouverte, parceque je voulais qu’elle soit opérationnelle. Et, elle l’a été pendant longtemps. Jusqu’à ce jour, elle est opérationnelle. Sauf que, il n’y a plus pratiquement des médicaments. Parce qu’il y a un problème de ravitaillement. Pourquoi avons-nous ce problème de ravitaillement ? Je vous produits ce document, qui atteste que depuis le 15 juin 2021, l’hôpital a fait le virement d’argent par le canal du Trésor public dans les comptes de nos fournisseurs. A titre d’exemple, le 15 juin 2021, on a viré 9 millions 999 mille francs CFA à Ubipharm. Le 15 juillet 2021, nous avons envoyé à la même structure, 4 millions 491 mille francs CFA. Cela fait à peut près 15 millions que nous avons viré chez nos fournisseurs. On est au mois de novembre, il semble qu’ils n’ont pas encore reçu cet argent. On leur a présenté les bons de virements que le trésor nous a donnés. Chez les Forestiers, un autre fournisseur du CHRO, nous avons engagé le 21 juillet 2021, 10 millions 125 mille francs CFA. Ça fait pratiquement 25 millions des médicaments qu’on a acheté. Pour l’équipement biochimie de laboratoire, nous avons envoyé 5 millions pour sa réputation. Lorsque je suis arrivé à l’hôpital canadien d’Oyem, on arrivait même pas à faire la goutte épaisse et la numérisation. Ce sont les examens les plus élémentaires. Aujourd’hui, tous les examens se font à l’hôpital. Sauf les examens de biochimie. Parce qu’un appareil de biochimie était tombé en panne depuis de six ou sept ans. Personne n’en faisait cas. C’est moi qui l’ai pris, pour l’envoyer en réparation à Libreville. On nous a demandé 5 millions. Le 15 juin 2021, nous avons viré 5 millions de francs CFA au fournisseur pour sa réparation. Mais, comme il n’est pas encore en possession de cet argent, voilà pourquoi l’appareil n’est pas encore avec nous. En dehors de ça, nous avons également acheté des consommables et les réactifs des laboratoires. On a envoyé 7 millions à Medilab, 5 millions à Air Liquide qui nous fournit l’oxygène. Pour le petit matériel, nous avons envoyé 1,7 millions le 9 juin, le 15 juin on a envoyé 1 million 313 mille francs CFA, le 19 août, on a viré 1 million 362 mille francs CFA et le 3 septembre 2021, nous avons viré 3 millions 27 mille francs CFA. Cela fait à peu près 7 millions de francs CFA qu’on a envoyé à STTM pour l’achat du petit matériel médical. Nous avons pensé à tous ces problèmes. Notre seul souci est que l’argent que nous avons viré auprès de nos fournisseurs n’est pas encore arrivé, pour qu’ils nous livrent le matériel. Voilà pourquoi nous avons décidé d’envoyer le DAF (directeur des affaires financières) et le chef de service comptabilité sur Libreville (ndr cette mission s’est déjà effectuée), pour aller discuter de vive voix avec ces fournisseurs. Pour leur dire, que les virements ne sont plus à notre niveau, en leur présentant les bons de virements. Ces gens, s’ils sont honnêtes, devraient même nous livrer peut-être de moitié, en attendant que le virement arrivé. Je rappelle que les petits équipements que nous avons acheté en 2019 et 2020, ont été mis à la disposition du personnel soignant et autres techniciens.

Jouractu : Où se trouve ce matériel aujourd’hui ?

Malheureusement, la difficulté que nous avons au CHRO est que, lorsqu’on livre un équipement dans un service, comme par exemple un tensiomètre, un thermomètre, un glucomètre…, le personnel en fait leur propriété. Les agents amènent ce matériel chez eux, pour que les malades disent qu’il n’y a rien à l’hôpital canadien d’Oyem. Nous avons connu cette situation lorsque les médecins Cubains sont arrivés dans leurs différents services. Certains titulaires de ces services ont dit au Cubains qu’il n’ y avait rien comme matériel de travail. Il a fallu qu’on aille dans les services pour y constater et vérifier le matériel que nous y avions livré un ou deux ans plus tôt. Nous avons malheureusement constaté que c’est le personnel qui prend cet équipement et en fait sa propriété. Ça nous gêne.

Jouractu : Que faire alors pour mettre un terme à de telles pratiques ?

Aujourd’hui, il est question de faire un audit au CHRO, pour vérifier tous les matériels achetés dans tous les services. Nous devons arriver à avoir le nombre exact des équipements que nous disposons. Bref. Nous avons fait beaucoup de choses au CHRO. En dehors de la pharmacie, nous avons également ouvert la radiologie qui était fermée, nous avons réparer le scanner qui est aujourd’hui fonctionnel à l’hôpital, nous avons réparer l’incinérateur qui est resté en panne depuis dix ans. Nous avons fait venir les experts depuis Libreville, pour réparer cet incinérateur. Nous avons également acheté deux nouveaux lits d’accouchement, une table d’opérations. Toute cette dépense avoisine 30 ou 40 millions de francs CFA. Les gens ne voient pas ces efforts. Aujourd’hui, certains personnels soignants plongent dans le recouvrement parallèle. Au lieu d’aller payer à la caisse, un agent prend l’argent et met dans la poche. Et, c’est cet argent qu’ils réclament aujourd’hui. Comment voulez-vous avoir des primes si vous mettez dans les poches l’argent qui constitue vos primes ? Il faut que nous nous comprenions (…). C’est la difficulté que nous avons au CHRO aujourd’hui. Lorsque je suis arrivé ici, les recettes hospitalières étaient à 850 milles francs CFA par mois. Alors que l’hôpital produit beaucoup d’argent. J’ai essayé de mettre des gardes-fous, des stratégies qui ont fait qu’aujourd’hui, on tourne autour de 3 ou 4 millions de recettes par mois. Mais, c’est insuffisant parce que notre hôpital est même capable de produire 10 millions par mois. C’est parce que les gens mettent l’argent dans les poches.

Jouractu : Votre mot de fin ?

Il faut que le personnel comprenne que, si nous ne payons pas régulièrement des primes, c’est parce que les recettes hospitalières ne sont pas importantes. Pour que nous puissions payer régulièrement des primes, il faut que chacun joue son rôle. Malheureusement, à l’hôpital d’Oyem, c’est tout le monde qui est médecin, infirmier, DAF, DG. Au point où l’on ne sait plus qui fait quoi ? Je suis heureux que la presse vienne me voir pour les questions de fonctionnement du CHRO (…). Je ne peux pas prendre l’argent de l’hôpital pour le mettre dans mes poches. Je suis l’enfant du village, du Woleu-Ntem, d’Oyem et cet hôpital nous appartient tous. Je ne suis pas là pour torpiller notre hôpital. Au contraire, je voudrais apporter ma pierre pour que notre hôpital évolue dans le bon sens. Notre priorité ici, c’est le malade. Pas l’argent. Depuis que le mouvement se produit ici à l’hôpital, nous n’arrivons pas à atteindre un million pour le mois, dans les recettes. Et, les gens vont demander les primes du mois d’octobre 2021. Demandez l’argent en fonction de votre production. Bref. Nous sommes en train de nous atteler pour résoudre les problèmes. Il faut que le personnel revienne à de meilleurs sentiments. Que chacun apporte sa contribution de manière réelle, dans le bon fonctionnement de l’hôpital.

CATEGORIES